Je ne puis retrouver le stylo rouge de la communauté négro-africaine pour vous écrire ces lignes en rouge car beaucoup de sang a coulé dans la vallée du fleuve lorsque vous occupiez le poste de directeur de la sureté nationale. Les hommes étaient tués, et partout, les familles envoyaient des missives pour informer des pertes humaines. Entre le Fuuta et Nouakchott, vos policiers se réjouissaient de tout confisquer, même un chapelet, mais jamais de lettres nécrologiques. Ils se frottaient les mains en disant :« des morts et des morts, Yikli houm (Que Dieu les tue). Pour eux, fouiller et trouver une lettre rouge dans les bagages des voyageurs était une preuve de victoire acquise : elle annonçait, soit la mort d’un homme, soit la destruction de vies à jamais.
Je ne vous écris pas pour vous signifier, comme le font tant de laudateurs que votre transition de 2005 était démocratique. Je ne ferai pas non plus un salut militaire car j’insulterai la mémoire des 28 officiers négro-mauritaniens pendus à Inal.
Je préfère vous présenter mes salutations nécrologiques de la part de l’Histoire. Et j’espère l'état d’âme de 1989 vous habite toujours. Car les lignes qui suivent dévoilent les crimes de votre cynique régime, celui que vous avez servi pendant 20 ans.
Vous avez déclaré n’avoir déporté aucun noir et que vous n’avez tué personne. Certes de vos propres mains, vous n’êtes coupable de rien. Mais, votre responsabilité morale dans les déportations massives fait de vous un criminel.
Voilà un premier détail historique…Je suis à Sorimalé, et j'ai pu constater que beaucoup de familles ont été déportées en raison de votre politique infâme d’épuration ethnique de la Mauritanie. Je me suis rendu à l’école du village: je n’ai vu aucun stylo rouge dans les trousses des élèves. J’ai demandé à l’instituteur la raison de mon incompréhensible constat, il me répondit par la question « Où étiez où en 1989?». Bien sûr j'y étais lui-ai répondu. J’enregistrais les détails de la folie humaine dont Taya et acolytes furent la caricature. Et à l’instituteur de rétorquer: « Je regrette de vous signifier que le stylo rouge reste un traumatisme pour les gens de cette localité. C’est pourquoi, les enfants ne s’en servent plus. Dans cette contrée, l’ancre rouge avait autant coulé comme le sang des noirs ».
Leurs parents ont été assassinés en plein mois ramadan par vos policiers Le saviez-vous ? Oui, mon lugubre colonel, vous en êtes même réjouis de leur mort. Les hommes ont tendance à oublier des détails de leurs actes, mais, l’Histoire est une mémoire inébranlable. Le nombre des fois où vous vous êtes rendu dans la vallée, ce fut pour les berner. D’ailleurs, vous n’osez pas y rester longtemps. Vous en connaissez les raisons et les autres aussi.
Développons à présent les détails : le fleuve du Sénégal par exemple. Combien de fois, le sang s’est dissimulé dans l’eau que les hommes buvaient ? Combien de fois, des policiers se sont amusés à tirer à bout portant sur des hommes, après les avoir astreint de quitter leur terre et leurs biens ? Et cela étant fait, et les voyant placidement tomber à l’eau, ils refusaient que les gens viennent les repêcher et les enterrer selon le rite musulman. Réinterrogez vos sbires, ils vous diront que la mission a été pleinement accomplie.
En 1989, vous aviez ordonné un état de siège dans plusieurs localités du sud de la Mauritanie. Les familles étaient privées de manger du riz venu du Sénégal. Car nul n'osait s’aventurer pour aller en acheter. Il eut en effet des téméraires qui osaient désobéir à vos haineuses règles. Je pense à cet homme devenu aujourd’hui une grande personnalité à Mbagne.
L’homme était un commerçant. Un jour, au milieu des événements de 1989, il fut arrêté entre Windding et Mbagne, par une unité de patrouille militaire. Pour mettre fin à ses jours, les militaires creusèrent une tombe pour l’y enterrer vif. D’après ses propos, on rapporte qu’il échappa à la mort subite par immolation. Car vos soldats n’avez plus de feu, ils voudraient cyniquement le voir hurler sous les flammes dans une tombe couverte par des branches d’arbres. Ils sont allés au village le plus proche pour se procurer des allumettes mais à leur retour, l’homme avait disparu. On dit aussi qu’il résista aux supplices et fit semblant de mourir pour que ces bourreaux arrêtent de le brutaliser. Merci à Dieu de l’avoir sauvé de la bêtise et de la haine.
Mon Colonel, vous est-il parvenu le récit d’Oumar Sow, âgé d'une trentaine d'années ? J'en doute. C’est l’homme qui ravitaillait le village de Haimédatt lorsque vous aviez pris en assaut la vallée. Ce fut un pauvre charretier qui faisait suivre des colis à des familles au péril de sa vie. Un jour, vos policiers l’interceptèrent alors qu’il rebroussait chemin. Il résista et il refusa de se rendre. Mais lorsque vos hommes le saisirent, il a fallu deux Land Over pour le tuer. Comment me diriez-vous ? Les balles ne pouvaient pénétrer son corps, alors, vos hommes attachèrent ses deux pieds à l’aide d’une corde. Omar Sow fut partagé en deux et son corps enterré à la hâte … Dans son village, on dit qu’il s’était juré de mourir pour eux. Dieu fit de lui un martyr. Merci à Lui de lui avoir accordé le rang d’un martyr. Que la commission étatique chargée du recensement des sépultures s’y rende pour s’enquérir de ce cas…
Sous vos commandes, la police n’était qu’un noyau d’hommes cruels. Vous aviez appris à vos policiers à violenter des imams noirs, mais aussi à violer des femmes. Il vous suffit de vous rendre dans les villages peuls pour y voir les traces de vos dégâts. Vous avez enseigné également à vos policiers comment manger de la fatigue des autres, comment s’enrichir de la souffrance des innocents et comment profiter de la peur humaine. Nous observons les survivances de vos leçons.
Ely Ould Mohamed Vall… vous faites preuve de tant de courage en niant vos crimes. Aviez-vous oublié que l’Histoire ne pardonne jamais les bévues des hommes? Déportation ou fuite massive, de toute façon, des vies ont été sauvées hors de la Mauritanie. Quant à vous, comme votre conscience, l’Histoire vous poursuivra à jamais.
Ely Ould Mohame Vall… Vous dites que les victimes sont mortes dans des bagnes militaires et non dans des commissariats, vous oubliez que vous êtes un ex-colonel et non un ex-brigadier de la police. Alors, rendez les maris des veuves qui attendent toujours pour faire le deuil. Car vingt et une années après vos crimes, elles s’interrogent toujours et des enfants attendent toujours. Dois-je rappeler que dans le langage d’Ely Ould Mohamad Vall, la mission d’un officier noir signifie : aller simple pour la mort.
Beaucoup d'officiers ont été inculpés pour insubordination et haute trahison. Quel est votre crime Ely ? Le tribunal de l’Histoire vous accuse de crime contre l’humanité et de génocide. Vous ne pouviez pas le nier car les hommes partent et les actes demeurent. D’ailleurs, pourquoi niez-vous ce que des Présidents mauritaniens ont reconnu ?
La Mauritanie, terre natale des noirs, était devenue, à cause de vos élucubrations policières, synonyme d’hideuse marâtre. Partout, vous avez forcé des citoyens ordinaires, des femmes et des enfants à quitter le pays. Et les intellectuels noirs qu’avez-vous faits d’eux ? Vous les avez réduits à rien. Allez à Paris, ils sont pour la plus part devenus des agents de sécurité. Ceux-là qui étaient des administrateurs, des diplomates, des économistes, des avocats et des professeurs. Venez à Trocadoro (Paris), vous rencontriez, honteusement vos anciens frères d’armes, tels que Colonel Kébé, Diagana, Jim, Capitaine Mboj, Soumaré, Diop ect… Vous les avez injustement chassés de la Mauritanie en les radiant de leur poste alors qu’ils servaient avec fierté leur pays. La plupart de vos victimes survivent soit dans les grandes capitales soit juste à coté de vous. Ils sont partout de Richatole ( Senégal) à Oslo ( Norvége). De Bruxelles à Kaye ( Mali). Cherchez ailleurs, vous trouverez un damné.
Ely Ould Mohamed Vall, je m’adresse à votre conscience. Ne prétendez pas être horrifié par le vécu des juifs , car vous êtes sans aucune vergogne. Vous vous lamentez des horreurs des camps de concentrations, alors que vous êtes un criminel dans votre pays. Les juifs n’ont pas besoin d’un humanisme hypocrite. Seules les victimes connaissent le poids d’une larme et du sang versé arbitrairement. Je suppose que vous allez chez eux pour regretter les horreurs que les noirs ont manquées sous votre régime. Non… le fait d’écouter les récits sur la souffrance humaine, vous évade. Chez les juifs, vous pleurer d’un œil de Lucifer avec lequel vous avez lorgnés pendant 20 ans vos propres concitoyens noirs. Vos larmes d’aujourd’hui furent des coulées de sang à Inal, à Jeirdra, à Noukachott. Vous êtes un humaniste déshumanisé et vos propos le justifient.
Ely Ould Mohamed Vall, au lieu de remuer une plaie encore béante, pourquoi ne proposez- vous pas aux dirigeants et acteurs concernés la création d’une commission vérité, justice et réconciliation ? Pourquoi provoquez-vous davantage de l’amertume chez les victimes quand il suffit de demander solennellement le pardon ? Pourquoi soulevez-vous encore ces problématiques au moment où la frustration gagne de plus en plus les esprits des citoyens ? Pourquoi en tant que responsable, au moment des faits, et témoin directe, vous n’interpellez pas les intellectuels négationnistes qui nous enfoncent et mettent chaque jour, notre cohésion sociale en péril lors de leurs interventions à la télévision ?
Ely Ould Mohamed Vall, il est plus judicieux que vous acceptiez votre passé afin de vous réconcilier avec l’Histoire et vos victimes. Je pense qu’il est grand temps que les mauritaniens sachent officiellement ce qui s’est passé pour se réconcilier entre eux. La vérité et la justice seront les seuls leviers qui permettront de résoudre le dossier du passif humanitaire. Sinon nous aurons toujours deux catégories de citoyens à savoir un têtu coupable et une victime qui se regardent en chien de faïence.
Bâ Sileye
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