Parler des douloureux événements de 1989, c’est fort louable. En effet, les organisateurs de la conférence-débat, tenue la semaine passée à Nouakchott, viennent de poser un acte symbolique : celui de voir une élite de la composante maure lever le voile du tabou sur le brulant dossier du passif humanitaire. Par cette initiative, ils lancent l’ébauche d’un débat décrispé et constructif. Il s’agit-là aussi des signaux adressés aux autorités et à l’élite noire toujours réticente. Attendons les suites pour faire les conclusions…
Depuis longtemps, les citoyens mauritaniens n’entendaient qu’une seule voix celle des négros-mauritaniens. Celle-là même qui fut ignorée par la classe dirigeante laquelle s’évertue de ne rien entendre : car les échos de cette voix visent, directement et sans ambages, des hauts officiers de l’armée nationale et des personnalités politiques, impliqués dans les exactions extrajudiciaires, de l’explusion des milliers de noirs (plus de 60.000) et des viols des femmes noires par des soldats et des mercenaires. Raison pour laquelle, les autorités pratiquent la politique de l’autruche. A leur tête le Président de la République qui suppose que le dossier est clos par le marchandage des peines des veuves et des orphelins avec des maudites sommes données à certaines personnes par le biais du général Dia Abdoulaye.
C’est une aberration que de procéder de cette façon au moment même où les familles des victimes revendiquent toujours les sépultures de leurs fils. Certes dans ce conflit, il doit y avoir des réparations symboliques. Mais avant tout, il revient à la justice de statuer sur le dossier. Comme il revient à la conscience nationale d’honorer la mémoire des martyrs. Les coupables, connus de tout le monde, doivent être traduits devant la justice : Car nul n’est au dessus de la loi. Que l’on soit un ancien officier militaire à retraite rangé aujourd’hui dans les rangs de l’opposition, ou une personnalité politique siégeant à l’hémicycle, ou encore un ancien militaire, la justice doit être faite.
En plus, c’est contradictoire de songer à la réconciliation nationale lorsqu’on ignore la vérité de ce qui s’était passé dans les casernes, dans les prisons, dans la vallée du fleuve et à Nouakchott. On a tué le noir mauritanien avec précision, il serait injuste de pretendre le rétablir avec précipitation. C’est tout de même absurde d’évoquer la fin des rapatriements des anciens réfugiés exilés au Sénégal ( 24272 rapatriés depuis 2008), au même moment que les autorités de tutelle refusent catégoriquement de reconnaitre la présence des noirs mauritaniens réfugiés au Mali. Ils sont 15000 réfugiés dans ce pays. Ils se trouvent dans la précarité et subissent la misère et la pauvreté. Ils disposent depuis prés de décennies les mêmes cartes de réfugiés que les autorités maliennes reconnaissent plus la validité. Ils sont également les oubliés des organismes humanitaires et même le Haut commissariat pour les réfugiés. Ces exilés mauritaniens sont désormais des apatrides.
15000 noirs mauritaniens sont toujours refugiés au Mali. A quand leur répatriément?
Faut –il rappeler que ces derniers n’étaient pas partis de leur Futaa natal de leur propre gré, abandonnant leurs terres, leurs cheptels et leur histoire. Ils avaient fuit la mort pour s’exiler. La crainte de mourir les charria vers des frontières lointaines. L’Etat était le seul responsable. Il est grand temps de voir les choses telles qu’elles sont et s’atteler vers l’essentiel au lieu de s’éterniser dans le déni de l’autre…
Nous devrions s’inquiéter pour eux. Maintenant que les langues se délient… Et que la témérité revient sur la place publique. C’est plus facile de prendre des positions autrefois bannies même dans le milieu de la classe politique. On s’exprime sur des crimes commis envers les noirs sans baisser les voix et sans murmurer à son interlocuteur« boyni wa boynak » (que ça reste entre nous). Alors il convient quand même d’écouter la version des victimes y compris ceux qui se trouvent au Mali. Cela permettra sans doute d’éviter de retomber dans des amalgames et des graves fautes… mais surtout de rétablir la vérité. Entendre cette version contribuera de construire des plans d’actions solides…
Comme nous savons, c’est dans l’aire du temps de dénoncer l’actuel régime allant même jusqu’à exiger son départ avant même la fin de son mandat pour lequel il a était élu. Dans la lutte pour des causes justes : l’empressement et à l’émotivité conduisent inévitablement à la récupération des victoires et des acquis. Car certains politiques profiteront du contexte pour faire de ce dossier national une aubaine électoraliste ou plus cynique encore un fonds de commerce.
Tous les citoyens sont au même diapason sur les comportements fluides des nos politiques. Ces derniers prennent des positions la vielle pour les changer le lendemain. Ceux-là même qui se positionnent avec les humeurs d’un chef de tribu ou des orientations idéologiques d’un bailleur des fonds. Rares sont ceux qui luttent pour des principes fondateurs mais pour la pérennité des intérêts personnels, des tribus et de la région…Il ne suffit que d’observer les mobilisations et manifestations politiques pour interpréter les motivations des individus. Les plus grands partis politiques ne disposent pas d’un programme clair et convaincant sur le règlement définitif du passif humanitaire. Ceux qui sont mus de la volonté peinent encore d’instaurer une proximité sociale et culturelle avec les populations concernées. Seul le Président déchu Sidi Ould Cheikh disposait réellement d’un programme national allant dans le sens da la satisfaction. Mais son travail a été écourté par un mensonge sans précédant brandi par une junte militaire en 2008.
Or, l’essentiel consiste à écouter les victimes. Elles sont les détentrices de la science de leur malheur. Les populations concernées disposent des stratégies conduisant à leur délivrance. Dans ce contexte, les acteurs impliqués, dans ce dossier, devraient rester vigilants, sans non plus refuser de prendre en compte toutes bonnes volontés, et la main tendue invitant réellement à la réconciliation citoyenne.
Aujourd’hui, pour réussir à clore progressivement ce dossier, nous devrions être convaincus d’une réalité à savoir que : les relations, tout comme les luttes des hommes, ont leurs conséquences assez vagues à l’époque de leur déroulement. Mais qu’avec le recul de l’histoire, il devient aisé de les saisir et mieux de les dépasser. La solution la plus idoine viendra inéluctablement des populations concernées notamment les noirs soutenus par les organismes de droits de l’homme autrefois impliqués dans la résolution des crises identitaires.
C’est très facile d’avancer, aujourd’hui, dans une conférence que l’exacerbation du problème remonte des publications des dépêches des agences de presse mauritaniennes ou sénégalaises ou d’un conflit entre agriculteur et éleveur. La vérité, c’est que l’engouement et la prolifération des idéologies nationalistes aux moments des faits avaient déclenché le conflit ethnique. Les ingrédients étaient palpables, notamment la montée des nationalistes batthistes, ayant assuré l’appui du régime de Taya, lesquels voulaient en découdre avec leurs intransigeants adversaires idéologiques négro-mauritaniens. Pourquoi les observateurs occultent et cela de façon très flagrante, le fait que les bathistes aient réussi, par la coïncidence de la montée du panarabisme en Mauritanie, à endoctriner les autorités, en semant davantage des soupçons sur la « mauritanité » des noirs? Ajouté à cela la méfiance affichée des autorités envers l’élite intellectuelle noire.
Certains discours ont provoqué facilement la recrudescence de la « négrophobie », tout comme aujourd’hui la xénophobie de l'Etat gagne de plus en plus de terrain.
Toute doctrine pénètre les masses lorsqu’elle réussit à se matérialiser. En Mauritanie, on continue de négliger cette réalité. Et pourtant, c’est seulement à l’exacerbation de la situation chaotique en avril 1989 caractérisait par des tensions interethniques que l’opinion publique comprendra tardivement que la volonté de « dénégrifier »le pays avait atteint son apogée. Ainsi au lieu de réagir par la diplomatie de l’apaisement, le cynique Taya s’est mis dans la peau d’un nazi ordonnant la chasse de l’homme noir. Tout comme l’entêtement du Président Abdou Diouf a poussé certains sénégalais à réagir sauvagement contre nos concitoyens maures établis dans leur pays. Il faut parler aussi des barbaries que les commerçants maures ont subies à Saint-Louis et à Dakar. De deux cotés, les dirigeants à l’époque étaient véritables responsables. C’est pourquoi, la version des victimes pointe du doigt les idéologies et l’endoctrinement. Les discours tenus par ailleurs ne sont que les reflets et les survivances de la propagande et de la manipulation dans les relations diplomatiques mauritano-sénégalaises.
Alors des initiatives de telle envergure devraient accorder la parole aux victimes pour entendre leur version des faits. Cela permettra de déclencher la proximité sociale, l’évacuation et le partage des peines intériorisées par toutes les composantes nationales. Nous sommes dans une posture où la solidarité nationale demeure le seul moyen pour consolider le peu d’humanisme qui nous reste. Ce faisant, ces actions citoyennes devraient être parrainées par les pouvoirs publics, les élites intellectuelles et vulgarisées par les artistes.
Bâ Sileye
C'est vraiment bien dit et claire comme le soleil en pleine journée. On dirai tu étais battu en 89 au jugé de ces informations que t'as fournies.
Vraiment, c'est beau, des idées bien tissées les unes aves les autres. Bon courage!!!
Rédigé par : A Facebook User | 13/04/2012 à 00:48