« Révolutionner, c’est créer des comportements nouveaux, ou tout au moins des interprétations nouvelles », Jean François Revel.
L’an 2010 fut l’année des conciliabules entre quelques tribus sous la houlette des chefs religieux pour extirper de la prison certains politiciens et hommes d’affaires impliqués dans le fameux dossier de la Banque Centrale. Elle fut également celle des négociations. Négociations en vue du dialogue de la repentance que l’Etat avait entamé avec les éléments d’AQMI arrêtés après avoir perpétué des attentats ou des attaques terroristes sur le territoire national. Elle a été l’année de la pauvreté, de la grande propagande populiste et de la gabegie. Rien n’avait changé dans les coutumes connus et rien de nouveau n’a été non plus innové si ce n’est l’acharnement politique et les règlements des comptes contre les hommes ayant servi un président destitué. L’année suivante n’a pas été très rose non plus mais plutôt confuse.
Sans aucun doute, l’année 2011 ne sera pas celle de la « Mauritanie Nouvelle » tant promise par le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, au lendemain de son coup de force en 2008 et pendant la campagne électorale en 2009. Visiblement, l’homme semble aujourd’hui adopter une position de rupture. Aurait-il abandonné son projet de « révolutionner » le pays ? Ses partenaires politiques, et plus particulièrement les ténors du parti de l’Etat (l’Union pour la république) tâchent de sauver ce qui reste du projet plus que jamais déchu. Si cette construction utopique fût son cheval de bataille, aujourd’hui les citoyens mauritaniens ont l’impression de vivre une Mauritanie troublée.
Avec un peu de courage, on peut dire « Une Mauritanie contre vents et Marrées ». Car sous le régime actuel, l’incertitude et la crainte se font ressentir comme à l’époque de notre indépendance. Une Mauritanie dans laquelle les questions nationales ont été trainées pour être rangées aux calendes grecques, faute d’audace des nos dirigeants de les affronter et les résoudre objectivement. Une Mauritanie dans laquelle l’on força la production ex-nihilo d’un nationaliste et non d’un citoyen mauritanien. Exactement cette Mauritanie dans laquelle ont été crée des citoyens différenciés. C’était ce pays où les composantes nationales et leurs identités ont été banalisées puis marginalisées pareillement à ce qu’elles subissent 51 ans après sous le règne d’Aziz. En 1960 : on nous promit une nation forte, mais l’histoire nous donne une autre version de notre Etat. Des générations ont hérité de nos dirigeants une nation désunie et déchirée dans laquelle on cultive la haine et la constante oppression des minorités tribales et ethniques. 51 ans après, des hommes ont changé mais les systèmes de fonctionnement ont demeuré.
Ceux-là, nous ont légué des impasses politiques du passé qui détruisent notre présent et troublent encore l’avenir des futures générations tant que les actuels dirigeants ne veulent pas être décisifs vis-à-vis des questions nationales. Car tout compte fait, elles constituent sans aucun doute les véritables obstacles pour l’unité nationale. Et si tel n’est pas le cas, pourquoi la cohabitation nationale est restée 51 ans après qu’un vœu pieux ? Ou pire encore… un fonds de commerce des idéologies nationalistes au lieu d’être un gage de notre unité ? Cette cohabitation a été instrumentalisée pour produire des citoyens malheureux et des acteurs politiques opportunistes. Ceux-là qui ont vu la Mauritanie se diviser et des frontières s’installer dans un seul et unique pays.
Aujourd’hui, les citoyens ont plus que jamais besoin d’une société égalitaire, juste et politiquement démocratique. Un Etat dans lequel on bannit le favoritisme politique, l’exclusion des identités nationales et l’esclavage.
Ceci étant, le Président de la République devrait s’inspirer du printemps arabe et de la chute des symboles de la dictature. Ainsi qu’il se dépouille de ses prétentions alimentées par les élucubrations chauvines de certains de ses conseillers hostiles à la réussite de la construction d’Etat mauritanien biracial, juste et égalitaire.
La Mauritanie ne supporte plus les peccadilles des idéologies déchues et décadentes. Tout comme le contexte politique actuel fragilise le tissu social lequel risque de le disloquer en le transformant à des tensions meurtrières. Car l’injustice a atteint son paroxysme. Et les signes parlent d’eux-mêmes : la prise de conscience de la jeunesse (africaine), la détermination des militants des droits de l’homme et des abolitionnistes, la révolte des tribus, la menace terroriste, le chômage, la pauvreté et la paupérisation des ménages (et) sans oublier la marginalisation des intellectuels, sont autant des facteurs qui devraient saisir l’attention des autorités. Une Mauritanie décisive sur tous les plans s’impose.
Pour des décisions de la réconciliation
A la place de la "Mauritanie Nouvelle" ou des autres slogans, les citoyens exigent une Mauritanie décisive. Car entre l’intransigeance des jeunes du mouvement « Ne touche pas à ma nationalité » à l’approche du démarrage des travaux des assises des états généraux de l’éducation nationale, de la détermination des abolitionnistes à leur tête Biram Abeid Dah, et la fronde de certains jeunes arabo-berbères, les jours à venir montreront si nos dirigeants sont les véritables acteurs du changement.
Et cela s’effectuera selon deux scénarios :
Le Premier Minsitre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf se concerte avec la commission mise sur pied par les organismes de droits de l'homme et des associations militantes pour une célébration nationale de la journée des martyrs, ce 28 novembre à Inal . L’Etat doit les appuyer pour sa réussite sur tous les plans notamment en assurant la sécurité des citoyens qui s'y rendront car une forte opération de sabotage se profile à l'horizon selon des sources concordantes et contrecarrer une éventuelle machination. Lors de cette journée, le premier ministre devrait prononcer un discours dans lequel il lance un appel à la réconciliation citoyenne et rassurer également les militants abolitionnistes sur les mesures prises contre l'Esclavage compte tenu de sa persistance malgré les multiples lois abolissant cette pratique inhumaine.
Inviter les véritables acteurs nationaux lors des assises des états généraux de l'éducation nationale en vue d'intégrer les langues nationales (Pulaar, Soninké et le Wolof) dans le système éducation tout en évitant de perpétuer les mesures démagogiques. Une autre mesure s’impose : Repenser à la place de ses langues dans les médias publics notamment la télévision (TVM) et la radio. Tout comme les autres symboles de notre pays (les timbres du trésor public et notre monnaie nationale) sont dominés par l’hégémonie culturelle arabo-berbère . La Mauritanie est un pays multiculturel qui ne devrait pas seulement être un slogan mais une réalité politique et diplomatique. Il faut prendre des décisions urgentes pour consolider notre cohésion sociale et apporter une véritable réconciliation.
Bâ Sileye
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