Reportage :
Le calme plane sur le quartier spontané des pauvres à savoir la gasra de Lemgeitty. Le soleil était à son zénith. Il devait être aux environs de 15 heures passées sous une chaleur de plomb. Notre arrivée a coïncidé avec l’heure de la sieste. Certainement, ces misérables familles se reposent après une longue journée chargée des rudes activités du travail de manœuvre pour la quête du pain quotidien. Sous les habitats d’infortunes, on voyait des familles entières entassées. Les adultes et enfants se mélangent sans aucun souci du respect des règles de la hiérarchie sociale. Alors, certains dormaient d’un sommeil éphémère que le cri d’un enfant affamé ou l’appel d’une veille femme assoiffée réveilla de temps à autre. Et le besoin sera satisfait sans aucun doute par un simple acte de complaisance. Et après, la vie continue son bonhomme de chemin sans aucune autre forme de procès. Il s’agit là, des familles qui n’ont connu que le calvaire depuis qu’elles sont installées au milieu de ces dunes de sables fin.
Les origines de cette Gasra
Avant de camper sur ce site, certaines familles se trouvaient dans d’autres quartiers de la capitale tels que, Zaatar, Arafat et Tousseilloum pour ne situer que ceux-ci. Auparavant, elles logeaient sous la location qui devenait de plus en plus cher en dépassant leurs minables revenus. Donc, il fallait à cette époque chercher une solution avant de finir dans les rues de Nouakchott. A défaut d’horizons décents, ces familles ont choisi depuis et sans trébucher à s’installer sur ces dunes de sable.
Selon les propos de certaines familles, la « Gasra Lemgeitty » est constituée en 2005 au lendemain de l’attaque du camp militaire de Lemgeitty-Zouerate. A l’époque, la Police ne cessait de faire des descentes périodiques pour démolir leurs installations d’infortunes. En effet, pris aux nerfs par l’harcèlement périodique de la police, ces dernières avaient pris la décision de dépêcher une délégation composée de 20 femmes, afin de soumettre au Président du CMJD Ely Ould Mohamed Vall leur calvaire, animées d’un seul objectif, notamment, l’arrêt définitif de tout l’arbitraire de la part des forces de l’ordre.
Cependant, étant en voyage, la délégation fut reçue par l’actuel Président de la République, élu Mohamed Ould Abdel Aziz, lequel arrêta l’harcèlement, selon les propos de certains témoins. C’est ainsi qu’il leur ordonna de rester provisoirement sur les sites en entendant que la situation soit étudiée. Depuis ce jour, les familles vivent sans inquiétudes malgré le déguerpissement d’un temps à autre.
La gasra. . . toujours un paysage bizarre !!!
Au premier regard, le paysage témoigne à peine la présence de toute vie humaine. La désolation frappe ainsi au premier contact avec ces habitations d’infortunes d’une frange de la population pratiquement oubliée. Ici, avoir une baraque est un luxe que l’on vante. Tout le monde loge, ici sous les hangars qui servent à la fois de chambres à couchées, de salons dans lesquelles on accueille les modestes hôtes et enfin de cousines. Par ailleurs, les toilettes ont carrément échappées notre vigilance. Comme à la brousse, elles sont toujours aménagées dans un pourtour de gigantesques arbres aux alentours de la gasra.
La gasra est occupée majoritairement par des femmes. Certaines parmi elles s’emploient à travailler comme femme de ménages dans d’autres quartiers de la ville pour assurer la survie de la famille. La principale activité génératrice de revenus demeure la couture des voiles lesquels sont revendus à des vils prix. D’autres encore vendent des légumes. Bizarrement, cinq femmes sur dix vendent le petit commercent des biscuits que l’on pose sur des petites tables dont les rares clients sont des enfants. Mais toutes ces activités viennent, après les rudes scènes qu’elles s’adonnent pour se procurer de l’eau.
L’absence de toutes les infrastructures de base !
Le quartier est démuni de toutes infrastructures de bases. Jamais un chauffeur ne se hasarde de conduire sa voiture dans étroites ruelles qui contiennent à peine deux individus. On ne trouve nullement aucun établissement scolaire pour une population d’un taux de natalité galopant. On y trouve en effet plus de 2000 enfants qui ne fréquentent pas l’école. Pour se ravitailler en eau potable, les pauvres familles sont obligées d’attendre le retour des charretiers à la borne fontaine de Zaatar située à 2 kilomètres de ladite gasra. Ces dernières peuvent rester toute une journée sans pour autant voir un charretier et surtout en ces temps où la pénurie en eau est récurrente. Elles paient le lourd tribut et se résignent sans pour autant savoir à quel saint se vouer. De plus, cette population ne soucie plus de sa sécurité depuis son installation. Elle est habituée aux vols et à la raquette en plein jour. Placidement, elle ne revendique plus un poste de police pour des raisons sécuritaires.
La bénédiction des charretiers !!!
Dans ce quartier, les charretiers qui ne sont autres que certains pères de familles de la gasra, font un bon commerce. Car, ces derniers transportent un bidon de 20 litres à 50 UM. Et leur travail ne se limite pas là seulement. Nos pauvres charretiers à chaque fois sauvent des vies humaines. Dans cette gasra la charrette remplace l’ambulance. Car c’est par le bais de celle-ci que se font très souvent les évacuations en cas des urgences médicales. Surtout, atteste Fatimetou pour des cas d’accouchements compliqués.
Kadijetou Mint Mohamed Bilal a préféré faire une esquisse des problèmes que la population du camp est confrontée. Elle a commencé par déplorer la pénurie de l’eau en passant par la hausse sans cesse des prix des denrées de première nécessité pour enfin atterrir sur l’absence de toute assistance sociale bien que du côté de l’Etat que de part des ONG locales.
Mariam Mint Barak est commerçante, elle passe la longueur des journées à attendre les éventuelles clientes. Elle vend des légumes et des condiments. Pour elle, ce qui prime est l’amélioration des conditions de vie des citoyens en particulier des pauvres, comme la population qui se trouve dans cette Gasra. Mariam mère d’une grande famille se débrouille avec ce petit commerce afin d’assurer la survie. Elle soutient que : « Il faut que les nouvelles autorités suivent leurs engagements. Car, il ne suffit pas de diminuer les prix, ce qui compte, c’est l’application. Car jusqu’ici, les grands commerçants continuent de livrer avec les mêmes prix. Il faut que le Président des pauvres Mohamed Ould Abdel Aziz passe urgemment à nous livrer des lotissements et retirer de cette pauvreté».
Ahmed Ould Mohamed est un Boucher du coin, il est censé connaître les conditions de vie de la Gasra. C’est lui qui nous a livrés le prix d’un baril d’eau que cette population paie lamentablement à 500 Um provenant de la Fontaine de Zatar ou de celle aux environs des jardins. Malgré que la viande soit une consommation quotidienne en Mauritanie, le Boucher déclare qu’ « une famille peut rester 3 jours sans pour autant de venir acheter le ‘’Samme’’ de viande à 1OO Um. ». Le « Samme » se livre par détail faute de ne pouvoir payer une quantité suffisante. Les moyens des familles se limitent à un demi-kilo de viande. Ici, poursuit-il, la majeure partie des familles cuisine avec le bois, tandis qu’un Kilo de charbon est vendu à 140 Um.
« Le seul mot d’ordre des occupants des habitations d’infortune demeure, l’appropriation des lopins de terre et l’amélioration de leurs conditions de vie » conclut Ould Mohamed.
Comme nous venons de constater avec le dernier témoignage, la précarité sociale est à son paroxysme. Il y a des cas encore plus grave que nous n’avons pas pu dénicher. Des familles qui restent des jours durant sans pour autant de manger à leur faim, les difficultés de se faire soigner, la recrudescence de la délinquance juvénile, le divorce et bien d’autres problèmes sont quelques parts étouffés par ces familles. Mais, dans toutes les façons, elles gardent les cœurs plein l’espoir avec l’élection du Président des pauvres qui a promu monts et merveilles pour les démunis. La première des choses que ces pauvres familles sollicitent restent l’amélioration des leurs conditions de vies. Et surtout, leur faire sortir de cette précarité sociale qui astreint bon nombre de femmes à s’adonner à la mendicité, pire encore, à la prostitution. En attendant le bonheur, la dignité se négocie dans cette gasra des oubliés.
Realisé par Bâ Sileye
Ecrivain-journaliste
Nouakchott-Mauritanie
00222 2232371
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