Á l’instar de tous les Etats de la planète, la Mauritanie, a célébré, le 14 juin dernier, la journée mondiale du don de sang. Le don du sang est un acte de solidarité humaine, auquel chacun devrait se sentir astreint. Le ministre de la Santé a rappelé, à l’occasion de cette journée, une triste réalité. « En Mauritanie, 1O % seulement de la population donne volontairement du sang. L’offre est loin de combler la demande qui ne cesse d’augmenter de jour en jour ». Ce qui signifie que les citoyens doivent redoubler d’efforts, afin que de nombreuses vies humaines en péril puissent être sauvées. On ne peut cependant oublier que les populations sont confrontées à de multiples difficultés dans leurs rapports avec les institutions sanitaires, en particulier avec les urgences médicales. Les consultations en urgence et les évacuations de cas graves sont devenus, pour les plus démunis, un véritable parcours du combattant, douloureux, pour la plupart. Témoignages. Une grande foule attend, sous un soleil de plomb, devant la grande porte de l’Hôpital National. La plupart des personnes viennent des quartiers périphériques de la capitale ou de l’intérieur du pays. Les visages sont sombres et crispés. Certains attendent depuis des heures de passer le portail. « Mais il faut d’abord négocier », nous dit Alassane, venu avec presque toute sa famille, accompagner sa sœur ainée, malade. « Ma sœur a eu des complications, lors de son accouchement. Il fallait l’évacuer très rapidement à l’hôpital ». Mais, ajoute t-il, « l’épreuve n’était pas facile pour nous. Ils nous ont fait savoir qu’ils n’examineraient ma sœur qu’après le versement d’une somme de 3 000 UM ». Entendant notre conversation, Fatimetou , âgée d’une cinquantaine d’années, affirme à Alassane que sa famille a eu de la chance, car il y en a qui sont obligés de verser 6 000 UM pour avoir droit à une consultation. Alassane ne tire de ses propos qu’une maigre consolation. Il est au chômage, et a dû emprunter 10 000 UM auprès d’un voisin boutiquier. L’ordonnance qu’on lui a remise lui coûtera, au bas mot, 13 000 UM. La mère d’Alassane, d’une voix où perce résignation et espoir : « Allah est généreux, et viendra à notre secours ». Mariem est venue visiter un parent. Pour elle, « c’est un véritable calvaire d’évacuer un malade aux services des urgences de cet hôpital maléfique ». Elle affirme qu’elle en a vécu l’expérience, mais ne souhaite pas, pour des raisons personnelles, en divulguer les détails. Moustapha habite à Tounsoueillim, un quartier périphérique de la ville de Nouakchott. C’est la première fois qu’il vient à l’hôpital national, obligé qu’il est d’y accompagner un malade. A la question « pourquoi ? », Moustapha répond : « en réalité, l’hôpital Cheikh Zayid est plus proche pour moi. Mais, j’y ai vécu une douloureuse expérience qui m’empêche d’y retourner. Ma grande sœur y est morte, sous mes yeux, dans des conditions inhumaines. Elle devait subir une opération chirurgicale. Mais, je n’ai pas encore digèré l’accueil qu’on a reçu. En Mauritanie, tout le monde est corrompu. J’ai accepté de verser la somme qu’ils demandaient afin qu’elle accède au bloc opératoire. On l’a hospitalisé pendant deux semaines, ce qui a occasionné des dépenses qui dépassaient nos moyens, sans pour autant que l’opération réussisse. Ils continuaient à exiger des paiements, et à prescrire des ordonnances, alors qu’elle était en train de rendre l’âme. Depuis lors, j’ai mis une croix sur cet hôpital ». Le cas de Moustapha est celui de milliers de citoyens pauvres qui se rendent dans les centres de santé du pays. En plus des ordonnances gonflées, de la cherté des médicaments et de l’absence d’amabilité du personnel, on les fatigue en rendez-vous infructueux, afin de multiplier les visites et les consultations. Les institutions et les « professionnels » de santé agissent comme si c’étaient les malades qui étaient à leur service, et non l’inverse. Le ministère de la Santé devrait comprendre que si ces conditions ne sont pas rapidement améliorées, le taux d’utilisation des services de santé, estimé à 18%, pourrait tomber à des niveaux encore plus catastrophiques. Il est urgent de remettre sur leurs pieds la politique sanitaire et les pratiques médicales, et de les fonder sur des bases éthiques et professionnelles qui respectent la dignité des malades et assurent l’efficacité de l’acte médical. Ba Sileye |
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